Située dans un bâtiment qui abritait autrefois deux logements au-dessus d’une épicerie, la Résidence Villeneuve conçue par Atelier Barda présente une façade composée de deux anciennes vitrines commerciales en bois encadrant une porte centrale. La parcelle de l’immeuble est située entre une cour latérale orientée sud-ouest d’un côté, servant à l’origine d’aire de stockage et chargement, et de l’autre d’un profond garage surmonté d’anciens appentis de rangement.

Le programme initial défini par les clients suggérait une redéfinition complète de la parcelle latérale en cour végétalisée – élément rare et prisé en plein cœur de l’arrondissement. Celui-ci incluait aussi la transformation intégrale du rez-de-chaussée commercial et du premier étage résidentiel en un seul logement unifamilial sur deux étages, surmonté d’un logement locatif existant. Un étage partiel au-dessus du garage existant fut alors proposé afin de générer une pièce de vie supplémentaire ainsi qu’une petite terrasse privée donnant sur la rue.

Grâce à l’orientation des façades principales, il était évident que la transformation proposée permettrait un grand potentiel d’ouvertures et de luminosité qui, en contrepartie, s’accompagnerait inévitablement d’une perte d’intimité due à la proximité des voisins et de la rue.

Partant de ce constat, la proposition d’aménagement a cherché à répondre à la contrainte suivante : comment concevoir le rapport entre l’intime et le public au sein du nouveau logement ayant pignon sur rue?

L’idée première consistait à présenter les clients comme protagonistes du projet, à dévoiler des fragments de leur histoire aux passants de la rue tout en assurant leur intimité aux moments choisis. Cette frontalité directe à laquelle les clients et les passants seraient confrontés devait être mise en scène plutôt qu’ignorée.

Ainsi, l’ensemble de la conception a été guidé à travers deux thématiques complémentaires : le jeu entre vu et non vu et le cadrage cinématographique. À cet égard, les anciennes grandes vitrines commerciales ont été conservées, d’une part pour leur apport lumineux, mais aussi essentiellement pour cette ambivalence entre le montré et le caché. Par conséquent, un bloc central technique a été aménagé frontalement à la vitrine. Incluant un vestiaire, une salle d’eau, ainsi qu’une bibliothèque, il sert de transition vers l’espace intime du rez-de-chaussée (séjour, salle à manger, cuisine). Son rôle consiste à créer un écran visuel depuis la rue sans occulter la vitrine. Ainsi, les moments d’intimité perçus par les passants se restreignent aux moments de passages entre un espace et un autre. En effet, quoique la façade soit grandement perméable, tout espace de vie et activité du rez-de-chaussée demeurent non visible depuis la rue, hormis les couloirs et espaces interstitiels. Des rideaux donnent à la pièce de vie son côté théâtral. Un espace bureau a également été aménagé à l’entrée, qui, lorsqu’occupé le soir venu, accentue le cadre cinématographique de la grande baie vitrée, à la manière du réalisme pictural du tableau Nighthawks d’Edward Hopper.

L’utilisation de la couleur contribue également à la mise en scène de l’espace, tantôt subtile depuis la rue grâce aux variations de rose du bloc central, tantôt plus contrastée dans l’espace de vie où les tonalités de vert de la cuisine s’agencent au béton de type terrazzo. De nombreux détails architecturaux ponctuent le parcours intérieur, du choix des matériaux aux jeux de courbes, en passant par le soin apporté aux éléments créés sur mesure, par exemple la hotte de la cuisine ou bien encore la main courante de l’escalier.

Le projet a ainsi su s’affranchir des contraintes de l’existant pour mieux révéler l’âme des lieux.

Type : Résidentiel (transformation, agrandissement) | Maître d’ouvrage : Privé | Statut : complété | Ville : Montréal, arrondissement Plateau-Mont-Royal, Québec, Canada | Superficie : 2500 pi2 | Crédits photo : Maxime Desbiens

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